samedi 19 avril 2008

Deviens MCF : épisode 3


(rappel de l'épisode précédent : à l'issue d'une cérémonie très protocolaire et sans surprise, le doctorant est devenu docteur et mais continue à culpabiliser quand il passe un week-end loin de son ordinateur)

Une fois docteur, le futur MCF peut chercher un travail, un vrai qui lui vaudra une reconnaissance sociale et qui fera dire à sa grand-mère qu'il va enfin avoir un métier utile.

Comme la SPA essaie de placer ses animaux malheureux au sein de familles accueillantes, une association, l'Association Bernard Grégory essaie de placer des docteurs dans des entreprises. Le problème, c'est qu'il est bien connu en France qu'un doctorant n'a pas vraiment de diplôme ni de compétence et que le DRH le soupçonne d'être surtout un jeune anarchiste fumeur de chichon qu'il va être difficile de mettre au pas de la World Business Company. Le docteur qui veut avoir un vrai travail va donc chercher une formation, une vraie, ou partir commencer une nouvelle vie en faisant table rase du passé : un tour du monde pour trouver un sens à sa vie désormais sans thèse, un avenir de berger gardien de troupeaux, des missions humanitaires dans des associations ou de la vraie Recherche avec des moyens et un salaire décent aux Etats-Unis ou en Grande-Bretagne.

Une partie des docteurs songe cependant que le temps de la thèse était une parenthèse enchantée qu'il sera bon de prolonger ad vitam eternam et que devenir Chercheur à perpétuité serait finalement un doux châtiment en rémission de la vie dissolue qu'il a menée jusqu'ici. Pour prétendre enseigner la littérature galloise du 12ème siècle, la reproduction des algues du littoral breton ou la gestion d'une messagerie Outlook, ces docteurs doivent prouver à la Mère Patrie à qui ils ont goulûment tété les mamelles de l'érudition qu'ils sont dignes de prétendre aux hautes fonctions de MCF. Ils collectent donc patiemment dans leur histoire personnelle tous les faits et gestes qui pourront leur permettre d'être qualifié aux fonctions de MCF et donc d'avoir le droit de candidater sur les postes offerts au concours. Tous ces faits sont synthétisés dans un joli dossier envoyé à deux rapporteurs désignés qui statueront sur les potentielles aptitudes du candidat à dispenser son savoir auprès de la population estudiantine.

La qualification se fait par section disciplinaire : donc si vous avez étudié l'influence de la musique baroque sur la croissance de la vigne bordelaise entre 3 heures et 5 heures du matin dans l'hémisphère nord. Vous pouvez postuler :
  • en section 22 : Histoire et civilisations : histoire des mondes modernes, histoire du monde contemporain ; de l'art ; de la musique
  • en section 68 : Biologie des organismes
  • en section 23 : Géographie physique, humaine, économique et régionale
Le problème est que souvent, les musicologues vous diront que vous êtes un biologiste, les biologistes diront que votre profil relève de la musicologie et les géographes diront, avec raison, que votre parcours bordelais ne vous permet pas d'enseigner la géographie.

De plus, au sein même d'une section disciplinaire, on pourra vous reprocher au choix : de n'avoir pas assez enseigné, de ne pas avoir assez publié, de ne pas présenter un profil de recherche intéressant.

Donc quand Antares, le Grand Ordinateur Omnipotent qui est au ministère de la Recherche et de l'Enseignement Supérieur ce qu'HAL était à 2001 l'Odyssée de l'Espace vous informe que vous êtes qualifié dans au moins une section, c'est un peu comme si une machine de Las Vegas alignait 3 ananas : vous venez de gagner le droit de participer au concours des MCF et contrairement aux concours Redoute ou 3 Suisses, c'est un vrai privilège! Si vous avec perdu, vous pouvez toujours attendre un an et rejouer pour le prochain tirage.

15 commentaires:

Anonyme a dit…

ah la la, et la suite n'est pas encore arrivée. Quand heureux le docteur reçoit sa convocation à un entretien de pour devenir MCF il pense que l'avenir est dans ses mains....que neni...on lui demande parfois de tranverser l'atlantique, de vider les cartouches d'encre de son imprimante sur des transparents (oui l'université est parfois anti developpement durable et prefere les transparents aux videos projecteurs) ...etc pour vous convoquer à des entretiens ou tout est joué d'avance....

Anonyme a dit…

....mais vous ne le savez pas....ou vous ne voulez pas le savoir...alors quand arrive votre tour vous donnez tout ce que vous avez dans les tripes.....on vous pose des questions que seuls celui qui a appris le manuel interne du labo peut connaitre.....vous repartez le taxu d'espoir a zéro..;vous n'auriez pas pu faire mieux...pour faire mieux il aurait fallu...connaitre la reponse et la question avant....comme certains

Anonyme a dit…

....et ensuite quand la reponse tombe comme un couperet vous appelez la presidente du jury qui vous confime que votre prestation etait très bonne...mais votre projets un tout petit peu moins ficelé que celui du/de la candidat(e) retenu(e)....qui part hasard sort du labo....
je n'ai rien contre le fait de garder ses etudiants, au contraire mais de grace ne laissez pas les jeunes espérer pour rien !!!!

Anonyme a dit…

pour conclure pour ce soir....un entretien pour une vie c'est......10 minutes de présentation.........puis 5 minutes de questions.......et hop......vous avez joué votre destin......

Pandore a dit…

Cher anonyme, vous êtes coupable de deux forfaits. Le premier est de nature dramatique puisque vous anticipez sur les épisodes 4 et 5 du feuilleton. Le second consiste à m'encourager à penser qu'effectivement si je suis convoquée à une audition, ce ne sera que pour jouer les figurants d'une scène répétée où aucun rôle n'a de toute façon été prévu pour moi. Pour l'instant, j'aime encore à croire qu'il y a des chances, des querelles imprévisibles entre les protagonistes, des candidats qui ne valideront pas leur situation sur Antares ou tout autre incident qui fera que ces 10 minutes de présentation et 5 minutes de questions me permettront effectivement de jouer mon destin...

Anonyme a dit…

Anonyme, c'est pas bien de raconter la fin !!

Est-ce qu'on profite des blogs pour raconter comment Jack Bauer sauve une université dans la prochaine saison de 24, ou quel est le devenir de Uggly Betty à la fin de son master recherche en sciences de l'information dans la saison 3 de Uggly Betty ?

Non ! alors quand même...

Sinon, Pandore, tu n'as pas évoqué les questions de premières importances qu'on se pose pour la constitution du dossier de qualif comme :
- dois-je envoyer ma thèse en plus de trois publications ?
- Ai-je déjà sacrifié trop d'arbre pour parler de moi à quelqu'un dont le seul objectif est d'avoir déjà préparé ses avis avant leture du dossier pendant la période de noël...
- Ai-je bien mis dans l'enveloppe apportant ma prose, la petite enveloppe timbrée sans quoi mon dossier n'est pas recevable ??

Gardons le cap !!

Pandore a dit…

Ldte, ayant une tendance génétique à la logorrhée, j'essaye de me censurer et de ne pas aborder TOUS les sujets, mais je confirme que l'envoi de dossiers est un casse-tête : thèse ou pas thèse, lettres de recommandation ou pas de lettres, etc.

Anonyme a dit…

excellent!! très drôle et tellement vrai!!

Pandore a dit…

Comme le dit Caroline Legrand, "Coté "candidats", c'est finalement pas si drole que ca. "...

Anonyme a dit…

Attention: si l'on parle bien de la qualification CNU, omettre d'envoyer la thèse est une grosse faute assez classique. Dans le pire des cas, vous aurez un exemplaire en plus pour les auditions en mai, mais ne pas l'envoyer est considéré par de nombreux rapporteurs comme de la négligence (voire une volonté de dissimulation d'éléments fragiles du dossier).

Je n'ai pas connaissance de cas où l'on ait reproché au candidat de l'avoir envoyée.

Attention aussi à la date d'inscription sur Antares, en général bien antérieure au dépôt de la thèse pour ceux qui soutiennent près de la date limite. A surveiller régulièrement.

Pandore a dit…

Merci pour les conseils, je connais au moins 2 candidats qui avaient oublié de s'inscrire sur Antares pour les qualifications...

mowglinomade a dit…

Je me permet juste d'ajouter les étapes

242: vous avez pris la précaution de soutenir un mois avant la date de dépot des dossiers. 6 jours avant, l'attestation de soutenance n'est toujours pas dans votre boite au lettre. Après 7 heures de communication téléphonique, vous découvrez que votre dossier de soutenance s'est perdu quelque part entre le service des thèses et le service des examens (même batiment, létage en dessous)

243: votre directeur de jury se prend pour Proust. Il ne vous a toujours pas envoyé votre rapport de soutenance

244: J-4: vous realisez soudainement que vous n'avez jamais recu de version papier de l'acceptation de votre seul article en cours de publi. Il a du arriver au labo après que vous l'ayez deserté il y a un an pour aller exercer vos talents à l'université de "tres-loin-dans-la-morne-plaine."

Allez, plus que deux jours et j'en suis débarrassée de ce putain de dossier.

Je viens de lire ton blog du début à la fin (au lieu de postuler pour une very important conference ou de soumettre un papier). Pas très réjouissant sur le fond, tout ca, mais bon, vaut mieux en rire qu'en pleurer, hein, et puis ca tient chaud. Merci beaucoup, ho blog d'utilité publique.

Anonyme a dit…

Félicitations pour ce blog, et pour ces billets à mourir de rire... jaune !

Je viens d'être recalé à la qualif' CNU, mais votre humour me redonne la pêche !

Bravo !

Anonyme a dit…

C'est beau le coup des 3 ananas, tellement vrai quand on croit à l'égalité et au mérite!
Bonne chance à tous les recallés pour une vie dans le privé.
Tout à refaire, avec un peu moins d'arbitraire.

Pandore a dit…

Tout n'est pas à refaire, j'aurai l'occasion d'en reparler. Notre formation nous dote d'atouts et de maturités qu'il suffit simplement de mettre en valeur dans une reconversion.